Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de bb et compagnie

11 décembre 2007

L'allaitement maternel en crèche

L’ALLAITEMENT EN CRECHE

Il faut savoir d’emblée qu’il y a un paradoxe entre le lien très fort dans l’allaitement maternel et la nécessité de séparation (au moment de la reprise du travail) dont l’enfant a besoin pour grandir.

La question est : comment à la fois préserver la relation établie par l’allaitement maternel et favoriser dans les meilleures conditions, la séparation ?

Cela m’amène à présenter différents points :

§        L’attachement

§        La séparation

§        L’allaitement maternel en structure d’accueil

§        Les appréhensions de certains parents

§        Les réticences de la part de certaines professionnelles

§        Les dispositions offertes par le Code du Travail

§        Les témoignages

L’attachement :

Dans son livre « l’amour en plus », Elisabeth Badinter nous révèle que la notion d’amour maternel n’est pas instinctive, mais varie et évolue en fonction du comportement social d’une époque à l’autre et en fonctions des mœurs. Je cite : « Après une longue période d’indifférence, marquée par le recours systématique des villes aux nourrices des campagnes, la fin du 18ème siècle voit apparaître un nouveau comportement féminin. Le 19ème siècle exalte et amplifie cet idéal de l’amour maternel, et l’œuvre de Freud et la psychanalyse assureront à cette valeur établie un relais formidable »

La réflexion de Bowlby porte sur la relation entre la mère et son enfant. L’enfant est conçu comme un être social, dont le besoin primordial est d’entrer en relation avec l’autre.

La relation s’établit d’abord entre l’enfant et ses parents, son milieu de vie et sa famille. L’enfant se construit grâce à cette relation, existe et devient autonome.

La relation entre l’enfant et le monde extérieur, s’établit par :

§        La relation avec sa mère et son père

§        L’accueil en institution

§        Le langage (mots, intonation), la communication

§        Les gestes, les postures du corps…..

§        L’imitation : ou la fonction symbolique

Françoise Dolto en a fait un livre : « tout est langage »

Avant tout dialogue verbal, l’enfant établit  par les manifestations émotionnelles de son corps, « un dialogue tonique avec son entourage » (Ajurriguerra ) : son corps ne peut vivre que par le corps d’autrui ; il dépend totalement de sa mère.

La relation mère enfant est primordiale ; l’enfant existe dans le regard de sa mère. Le bébé n’existe pas seul sans sa mère.

Les premiers échanges entre la mère et l’enfant se font par le regard. Tout passe par le corps de la mère. Selon Winnicott, c’est elle qui a le rôle fondamental dans le développement de l’enfant. Dès la naissance c’est elle qui va subvenir à la régulation des états physiologiques du bébé (faim, sommeil, changes…)

Après sa naissance, le nourrisson a besoin d’être enveloppé par des bras, par les mains, par le corps de l’adulte. Il doit pouvoir s’y lover pour se sentir en sécurité, et trouver du confort (le holding chez Winnicott). La recherche du contact corporel entre la mère et l’enfant est essentielle dans le développement affectif, cognitif et social de cet enfant.

De la manière dont le bébé va être porté va découler la  sensation de  son corps entier, sa continuité et donc lui permettre d’évoluer.

Selon Marcel Rufo, je cite : « tout commence par une fusion où la mère et l’enfant ne font qu’un, fusion indispensable, vitale même, dans laquelle l’enfant va puiser force et assurance pour partir à la conquête du monde…Tout son développement ultérieur apparaît en fait comme une suite de séparation. »

La séparation :

        Chaque fois un enfant doit se séparer d’un monde pour  pouvoir en conquérir un nouveau. Toute séparation est une épreuve dont il sort grandi…M. Rufo.

Cette approche théorique de l’attachement et de la séparation nous mène au cœur même de ce qui se vit dans les structures d’accueil où les enfants sont accueillis dès l’âge de 10 semaines.  Comment donc ne pas souhaiter entretenir ce lien si important entre la mère et l’enfant, grâce à l’allaitement maternel, et faire en sorte que l’enfant se sente sécurisé pour pouvoir explorer le monde extérieur, même lorsque sa mère est absente.

L’allaitement maternel en structure d’accueil :

Pour une mère, poursuivre l’allaitement maternel en travaillant favorise le maintien du lien mère/enfant, malgré la séparation. Il ne faut donc pas que la reprise du travail soit pour les mamans qui allaitent synonyme de sevrage. Ce moment est suffisamment délicat donc poursuivre l’allaitement maternel facilite l’adaptation à cette nouvelle étape pour la mère comme pour l’enfant.

Par ailleurs la tétée des retrouvailles marque une pause dans la journée de la mère et permet une récupération agréable.

En pratique lorsqu’une mère souhaite allaiter son enfant en structure d’accueil, plusieurs possibilités s’offrent à elle.

§        Tirer son lait :

Pour qu’il soit donné à l’enfant, ainsi l’allaitement maternel par l’intermédiaire d’un biberon est assez satisfaisant pour ses bienfaits pour la mère et l’enfant. Mais elle implique le passage du sein au biberon et l’enfant n’est pas toujours prêt. Cela demande par ailleurs aux parents un engagement à appliquer des règles en cohérence avec les normes d’hygiène en vigueur dans les collectivités. Un protocole peut être mis en place. (cf protocole de recueil). Mais ce n’est qu’une alternative, car il est difficile de poursuivre l’allaitement dans conditions compliquées. C’est réalisable à domicile ou occasionnellement mais  contraignant lorsque cela devient une obligation. Par ailleurs Il ne dure que quelques jours à quelques semaines.

§        Venir sur place pour nourrir son enfant :

Pour cela il faut d’abord vaincre les réticences qu’ils pourraient y avoir dans une équipe, pour qu’elle accepte que la mère vienne au moment du déjeuner nourrir son enfant. Il faut savoir que le temps des repas est souvent difficile à gérer dans une unité de nourrissons. Les enfants acceptent mal l’attente, pleurent et réclament la présence de l’adulte de manière plus importante. La crainte de l’équipe est le jugement que pourrait porter un parent témoin de ce temps d’agitation des enfants.

Les appréhensions de certains parents :

Elles peuvent être liées à des questions que se posent ces parents :

§        Allaiter ne risque-il pas de fatiguer la mère ?

§        Que faire si le bébé refuse le biberon ?

§        Comment coopérer avec l’équipe et continuer l’allaitement ?

Les réticences de la part de certaines professionnelles :

Il est confortable pour certaines professionnelles de refuser qu’une mère continue d’allaiter son enfant en crèche, et par méconnaissance ne veulent pas tenter la mise en place de ce mode d’alimentation (sous forme de projet) dans un établissement collectif. Il est vrai que souvent elles conseillent aux mamans qui allaitent de donner des biberons à leur enfant avant qu’il n’arrive à la crèche, car leur crainte est d’être confrontées à un bébé qui pleur en attendant que sa mère vienne l’allaiter.

Beaucoup de mamans s’entendent dire qu’il faut commencer à introduire des biberons en vue d’habituer bébé. Ceci n’est pas nécessaire, d’ailleurs le bébé risque de ne pas comprendre ce geste de la part de sa mère.

Entre autres réticences, des mères par exemple se sont vu refuser de donner leur lait pour des raisons sanitaires tout à fait fallacieuses. C’est ainsi par exemple qu’à Lyon, un médecin responsable des crèches a décrété que le lait maternel devait être considéré comme un produit biologique, et par conséquent interdit en crèche à moins d’être « décontaminé » au lactarium ; la mère devant ensuite racheter son lait, car le traitement coûte cher ! A d’autres endroits, on s’abrite derrière un arrêté fixant les « conditions d’hygiène applicables dans les établissements de restauration collective à caractère social » pour refuser le lait maternel, car celui-ci étant tiré à domicile et non acheté en grande surface, il est impossible de garantir la chaîne du froid ! D’autres encore invoquent le règlement sanitaire de la crèche stipulant qu’aucun aliment extérieur ne peut être stocké dans l’établissement… (Revue Métier de la petite enfance)

Pourtant vivre des expériences nouvelles auxquelles une adaptation est nécessaire, est l’essence même de la vie et me paraît indispensable dans les structures d’accueil du très jeune enfant. Il est à mon sens nécessaire que les professionnelles aient une formation qui leur permet de répondre de façon adaptée aux demandes des mères qui allaitent.

Lorsque les réticences sont vaincues et que l’équipe perçoit bien l’importance de favoriser l’allaitement en crèche, un projet d’accueil est mis en place dès les premiers contacts (inscription, période d’adaptation). La coopération entre les parents et l’équipe facilitera le bon déroulement quotidien de l’allaitement, dans la cohérence d’un travail sur l’alimentation du jeune enfant depuis son arrivée dans la structure jusqu’à son départ vers l’âge de 3 ans.

Avant l'arrivée en crèche de l'enfant, la directrice reçoit les parents. Lors de l’entretien, les mamans témoignent du déroulement de la grossesse, de la naissance et des premières semaines de vie de l'enfant. C'est à ce moment que sont définies, si elles le souhaitent, les modalités de l’allaitement en crèche. Soit la maman est en accord avec le choix qu’elle a fait quant à l’alimentation de son enfant, soit son choix était d’allaiter son enfant quelques semaines (congé post-natal), sans envisager de prolonger l’allaitement dans le temps.

Du point de vue organisationnel, il convient d’appeler la mère pour l’informer des premiers signes de la faim manifesté par son enfant au moment du déjeuner et du goûter. Elle doit pouvoir arriver en une quinzaine de minutes.

Cette maman sera installée dans un coin de la pièce relativement tranquille pour favoriser l’intimité qu’elle a avec son enfant. Il faut éviter que ce moment soit une gêne à la fois pour l’équipe et pour la mère. L’arrivée d’une maman au sein de l’unité ne doit pas être intrusive pour l’équipe, et elle ne doit pas être dérangée par le groupe d’enfants qui pourraient se montrer curieux.

§        La mère peut aussi choisir de garder une tétée le matin et une tétée le soir. Cette alternative conduit à un sevrage progressif.

A savoir, plus l’allaitement est avancé, plus la conciliation travail/allaitement sera facile. Plus le bébé tétera plus les seins fabriqueront du lait. Il faut aussi privilégier l’allaitement à l’alimentation diversifiée en donnant par exemple une tétée et une compote au goûter.

Après la reprise du travail, il faut  allaite le bébé à la demande, chaque fois que cela est possible : soirées, nuits, week-end, congés ...

Ces tétées seront très bénéfiques au bébé et à l’entretien de votre lactation. Ainsi, même s’il a l’habitude d’une compote au goûter, avec la personne le gardant, il vaut mieux privilégier la tétée.

Certains bébés tétant moins la journée se “ rattrapent ” en la présence de sa mère. De plus il est moins contraignant, au retour du travail, de se plonger avec bébé dans le canapé, que de préparer son repas (et celui de la famille).

L’allaitement est très profitable à la mère et son enfant quelque soit son âge. Il permet aussi une meilleure approche de la diversification alimentaire, car l’odeur du sein de la mère rappelle celle du liquide amniotique et le lait est riche goût, consistance et textures variables.

Les dispositions offertes par le Code du Travail :

Si les mamans en ont la possibilité, qu’elles repoussent le plus possible la reprise du travail, car vers 4 mois les seins s’adaptent plus facilement à une demande irrégulière.

Les mères qui travaillent concilient difficilement vie professionnelle et allaitement. Elles ont besoin de la garantie de la protection du travail et de la possibilité de choisir un travail à temps partiel, en même temps que de temps et d’un lieu pour allaiter ou tirer le lait si nécessaire. Le cadre offert par le code du travail actuel n’est pas assez souple.

Elles peuvent prendre une heure en général non rémunérée, chaque jour pour allaiter son bébé de moins d’un an. (Articles L. 224-1 et L.224-2 du code du travail) et (articles L.224-3 et L.224-4 pour allaiter son enfant dans l’’entreprise). L’idéal serait de prévoir l’aménagement de l’emploi du temps des mamans pour qu’elles puissent effectuer un allaitement personnalisé, et se rendre à la crèche, donner le sein à leur enfant.

La ville de Paris a édité un recueil pour favoriser l’allaitement en crèche. (Consulter la brochure "l'allaitement maternel en crèche")

Promouvoir l’allaitement maternel est l’un des neuf objectifs nutritionnels spécifiques proposés dans le cadre du Programme national nutrition santé (P.N.N.S.). Pour encourager la prolongation de l’allaitement après la reprise du travail, la possibilité est donnée aux jeunes mères parisiennes de poursuivre l’allaitement de leur nourrisson après l’entrée en crèche. Les renseignements concernant sa mise en œuvre sont à recueillir auprès de la responsable de crèche.

Le Programme national nutrition santé (P.N.N.S.). a été lancé en 2001 sous l’égide du ministère de la Santé, et implique des professionnels de la santé ; le P.N.N.S. se traduit notamment par des campagnes d’affichage et l’édition de brochures d’information à destination du grand public.

Les témoignages :

Voici à présent quelques témoignages de mamans allaitantes ou expériences rencontrées au cours de mon parcours professionnel :

A la crèche inter hospitalière d’Auxerre, il est très courant de voir des mamans venir dans la section des bébés pour allaiter leur bébé.

Cela se passe de manières différentes. Il y a les mamans qui ont gardé une tétée le matin et une tétée le soir. En fonction du rythme de leur bébé et du temps qu’elles ont le matin, elles choisissent de donner le sein chez elles, ou d’allaiter sur place.

Et puis il y a les bébés alimentés exclusivement au sein, et là en général, la maman appelle pour demander si son enfant est réveillé et réclame, soit c’est la directrice, à la demande de l’équipe, qui appelle la maman pour lui dire que son enfant a faim. En attendant l’arrivée de la maman, pour éviter de laisser pleurer le petit qui a faim, il y a toujours un membre de l’équipe ou une stagiaire pour porter et bercer l’enfant et le faire patienter. On retrouve là la notion de portage de l’enfant de Winnicott.* C’est je dirais une situation très particulière où la maman a la liberté de pouvoir se dégager de ses obligations professionnelles pour venir allaiter son enfant. (Professions libérales…)

A la crèche Galipette, à Avallon, j’ai le témoignage d’une maman qui a allaité ses 3 enfants, à la crèche… (Doc)

Toutes les situations sont possibles à partir du moment où tout le monde s'y retrouve.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à poursuivre cette relation lactée après la reprise du travail. Cela ne veut pas dire qu’elles sont marginales, ni fanatiques de l’allaitement ou encore des « superwomen ». Simplement elles souhaitent poursuivre ce lien très fort d’affection et de tendresse, et protéger la santé de leur enfant.

Conclusion :

Comprendre les enjeux induits par une situation quelle qu’elle soit est ce qu’il y a de plus difficile dans notre métier. Mais c’est aussi indispensable pour aider et accompagner les parents dans leur démarche et leurs choix de ce qui est bon pour leur enfant et les soutenir dans leur projet.

L’équipe doit pouvoir dépasser le paradoxe Allaitement maternel/accueil, car il est un lien solide entre attachement et séparation. Son rôle est d’entendre, conforter et faciliter ce que le parent souhaite pour son enfant dans la mesure où c’est cohérent même si cela bouscule le fonctionnement. Offrir un accompagnement de qualité aux tout-petits, en ce qui concerne leur épanouissement ainsi que leur développement psychomoteur dans un environnement  respectueux de leurs besoins et de leur personnalité. C’est à travers la confiance et le dialogue entre les parents et les professionnelles que le lien mère/enfant sera maintenu.

Par ailleurs une bonne information des mamans contribuerait à la réussite de leur allaitement. 

Les parents ayant déjà eu beaucoup de difficultés pour avoir une place en crèche semblent plus stressés à la reprise de leur travail et ont malheureusement souvent choisi d'arrêter l'allaitement malgré nos efforts.

Pour finir, je dirai que les mamans doivent être motivées dans leur choix (allaiter et mode de garde) et être elles-mêmes, sans succomber à la mode du moment, fléchir parce qu’elles entendent dire que l’allaitement au sein c’est mieux, et surtout ne pas se culpabiliser si elles ont choisi de donner le biberon à leur enfant. On n’aime pas plus son enfant parce qu’on lui donne le sein. Une maman peut être aussi maternante et contenante avec son bébé en lui donnant un biberon qu’une maman qui donnera le sein.

Publicité
Publicité
Le blog de bb et compagnie
Publicité
Publicité